L'insolence des miracles by Didier van Cauwelaert

Auteur:Didier van Cauwelaert [Didier van Cauwelaert]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Plon
Publié: 2023-09-01T13:03:18+00:00

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Revenons au journaliste américain qui avait ressuscité le zuccone pour les besoins de sa cause. Dans son article de 2002, le chroniqueur d’American Atheist nous explique les raisons purement économiques de la canonisation du diablotin des Pouilles : on a transformé un simulateur paillard en saint miraculeux parce que son culte rapporte, chaque année, cent soixante-dix millions de dollars en produits dérivés, donations et prestations hôtelières. Padre Pio, c’est Disneyland fait homme. Et le responsable de ce « scandale », poursuit le journaliste, c’est Jean-Paul II7.

En réalité, c’est sur demande expresse de Paul VI, en 1964, que le capucin controversé fut de nouveau autorisé à exercer son sacerdoce sans restriction. Mais le fait est qu’il ne devra sa totale réhabilitation qu’à Jean-Paul II qui, en moins de trois ans, le fera béatifier et canoniser – un record.

Il faut dire qu’en 1947, le jeune prêtre polonais Karol Wojtyla avait rendu visite au célèbre moine alors frappé d’interdit. Padre Pio, avec sa brutalité coutumière, lui avait annoncé non seulement qu’il occuperait un jour le trône de saint Pierre, mais qu’il survivrait à un attentat – Jean-Paul II ne fit jamais mystère de cette double prédiction, assez surréaliste à l’époque. En 1962, après sa nomination comme évêque de Cracovie, Sa future Sainteté demanda par courrier à Padre Pio de prier pour Wanda Poltawska, une mère de quatre enfants atteinte d’un cancer en phase terminale. Quatre jours plus tard, la dame était guérie.

Devenu pape, Jean-Paul II s’emploiera à tordre le cou aux rumeurs nauséabondes entachant toujours la mémoire du thaumaturge dans les couloirs du Vatican, où, selon John Allen, correspondant du National Catholic Reporter, « le consensus secret sur Padre Pio était qu’il était au mieux un hystérique naïf, au pire un escroc ».

Mais la curie romaine ne fut pas la seule à vouloir éliminer ce prodige ambulant qui, par son franc-parler et ses miracles à l’arrache, touchait le cœur des foules en passant par-dessus les autorités religieuses – comme l’avait fait Jésus, et c’est bien ce que l’Église, au fond, lui reprochait. La médecine elle-même, pour régler son cas, le déclara mort de son vivant.

Ce certificat de décès prématuré fut prononcé le 15 mai 1956, dans le cadre du Symposium international des affections non coronaires. Le révérend père Carmelo Da Sessano, présent à ce symposium, entendit le Pr Ewans, sommité mondialement reconnue, déclarer au micro : « Pour nous, médecins, Padre Pio est mort du point de vue biologique. » Carmelo fut bien surpris, lui qui, gardien de son couvent, voyait son ami le « mort biologique », bouillonnant d’énergie, se consacrer aux autres dix-neuf heures par jour.

Le Pr Ewans justifia son autopsie virtuelle par la quantité de calories que le capucin dépensait quotidiennement, dans son activité débordante, alors qu’il ne mangeait rien et perdait par ses stigmates une quantité de sang importante8. Éternel provocateur, Padre Pio survécut douze ans à l’évidence médicale de son décès.

Est-ce la raison pour laquelle ce corps qu’on a tant voulu faire taire continue de s’exprimer – de

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